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5 mars10 min de lecture

RAËL sur Netflix : "Le Coup de pub Permanent"

Dernière mise à jour : 7 mars

Depuis sa sortie en février, la minisérie de Netflix casserait la baraque.

Disons qu'elle a notamment le mérite de montrer un gourou qui aime qu'on parle de lui.

Pourtant, après le visionnage de la série « Raël : prophète des extra-terrestres », c’est une déception. On n’apprend rien ou si peu.

Certaines archives internes des 70’s et des 80’s sont remarquables, mais c’est bien mince.

D’abord, le titre de la série pose déjà problème : dans sa forme, c’est une affirmation.

Cela semble entériner un « titre honorifique » pour les adeptes et autres convaincus.

Donc, partirait-on du postulat : c'est un "prophète" ? Justement, non.

Aux invisibles...

Dans le déroulé de cette série, aucune victime ou presque à part la présence de Damien Marsic et Dominique Saint Hilaire.

Où sont-les autres ex-adeptes ? Où sont-les victimes ?

Cela manque. A moins que i.elles n’aient pas souhaité témoigner.

Dommage, il aurait été très intéressant de les entendre.

Je pense, entre autres, à « Sophie », mariée à Raël dès l’âge de 16 ans, jetée comme un « kleenex » par le gourou après 25 ans de vie "commune".

Une jeune femme décrite comme ambassadrice du mouvement, qui a posé nue dans Playboy avec Marina, fille de Brigitte Boisselier, à la demande de son pseudo « guide »de mari.

Pour information, la séance a rapporté 10 000 $ US, non pas aux « modèles », mais au mouvement raëlien. Encore une pub qui joint l'utile à l'agréable...

Source: https://www.lapresse.ca/arts/chroniques/2023-01-14/les-ravages-de-rael.php

Où est-elle Sophie ? Qu’est-elle devenue ? Est-elle inaudible ? La série ne répond pas.

Idem avec les associations de lutte contre les dérives sectaires…

Où sont l’UNADFI, le CCMM, le CAFFES, le GEMPPI ?

Les membres ne connaissent-ils donc pas le dossier ? Il me semble que si.

Alors où sont-ils ? Inaudibles ?

La présence de Georges Fenech, ancien président de la MIVILUDES, est intéressante mais ne suffit pas à combler ce vide.

Franchement, qu’est-ce qui peut bien pousser des productions audiovisuelles à reparler de Raël ? Parce que c’est « fun » comme un vieux sketch des Inconnus ?

Ou la facilité d'un sujet déjà bien balisé ?

Il est vrai que « Raël » n’est pas un perdreau de l’année, il y a des archives , il y a matière comme on dit…

Au fait, oublions « Raël », je vais utiliser son véritable nom: Claude Vorilhon.

C’est plus simple.

Après tout, ce chanteur raté des années 66-67, a probablement emprunté son pseudo

d’ un titre des Who intitulé Rael (Pt. 1&2) figurant sur leur album de 1967 « The Who sell out ».

Ou encore du concept album « The Lamb lies down on Broadway » (1974) du groupe prog-rock Genesis , contant l’odyssée surréaliste d’un personnage nommé « Raël ».

Mais ce ne sont que spéculations…

Sans oublier, les emprunts que Claude Vorilhon aurait fait à la littérature néo-évhémèriste (néo-mythe des anciens astronautes) ou "réalisme fantastique".

Exemple avec le livre de Brinsley Le Poer Trench "Le peuple du ciel" (1960) et "La lune, clé de la Bible" (1968) de Jean Sendy. Ce dernier écrit :

Page 18:

"Lue ainsi, la Genèse devient le récit, parfaitement cohérent en soi, d'une colonisation de la Terre par des cosmonautes « venus du ciel » et devenus « anges » dans la mémoire des hommes."

Page 19:

"Les seuls « hommes en renom » du texte biblique ont leur arbre généalogique au chapitre V, consacré aux « générations d'Adam », lequel Adam fut « créé par les Elohim », ce qui nous ramène à la « création » d'« hommes en renom » par les relations sexuelles entre fils d'Elo-him et anonymes filles d'hommes."

Là encore , ce sont des éléments troublants qui ne sont pas abordés dans la minisérie.

Où est la note d'intention ?

Revenons à la motivation des réalisateurs de cette série.

Est-ce la fascination de l’incompréhensible vénération qu’un gourou peut exercer depuis 50 ans ?

A en croire le réalisateur de la série, sur le plateau de "C à vous" sur France 5 début février, il faut croire que oui.

Source: https://www.youtube.com/watch?v=KLE7SgW_qtk

Cela démontrerait-il une méconnaissance de la mécanique sectaire voire une ignorance? Difficile de l’écarter.

De plus, j’ai toujours la désagréable impression que tout ce petit monde est plus fasciné par la réussite que par la dangerosité de cet individu profondément cynique.

NETFLIX à l’initiative ?…

J’ignore le contenu du cahier des charges éditorial de Netflix. Comme tout « diffuseur » - car cette plateforme fait bien de la diffusion, n’est-ce pas ? - elle s’en est très probablement dotée pour le faire respecter.

A qui me direz-vous ? Aux productions qui travaillent pour elle.

Les diffuseurs dont les chaînes de TV fonctionnent ainsi.

Bien sûr, la validation du contenu éditorial est toujours soumise à l’approbation du diffuseur. Cela fait bien évidemment partie du contrat initial.

Du formatage ? Evidemment.

La plateforme est -elle à l’initiative de ce projet ?

A en croire le site Coollibri en février 2021, ce n’est pas à exclure, extrait :

« Netflix a pour habitude d’aller chercher ce dont elle a besoin. (…)

Netflix envisage toujours ses productions d’un point de vue global. Autrement dit, mondial. En effet, une bonne série selon Netflix doit pouvoir être vue par un public mondialisé. »

Une version corroborée par un sujet du Parisien en janvier 2020.

Il est vrai qu’on n’attire pas les mouches avec du vinaigre…

Pour en être sûr, je leur ai posé la question sur leur compte Twitter/X.

J’attends encore la réponse...

Pendant ce temps, le mouvement Raëlien s’en délecte sur sa chaîne YouTube.

Exemple, le 26 février 2024, sous forme de critique à quatre voix, dont celle de Brigitte Boisselier, on défend le « guide des guides », on critique le manque d’objectivité, ils se plaignent de passer de la 4e à la 6e page dans les recherches Google.

Ce qui est partiellement faux, si vous tapez "rael.org", vous verrez.

Screen du live sur la chaine YouTube Mouvement raelien - "La Vérité Sur Raël, Le Prophète Des Extraterrestres" - 26/02/2024

« Nous sommes des génies de la publicité ! »

Finalement, cette série, c’est une aubaine pour ce mouvement sectaire qui fête ses 50 ans.

N’oublions pas les mots de Vorilhon devant ses adeptes à l’époque Clonaid :

« Même si vous pensez qu’on a fait ça pour la publicité, c’est merveilleux. Nous sommes des génies de la publicité ! »

(Ep.03 à 40’00’’.)

Malgré, les interpellations passées et réelles d’actes pédocriminels par des adeptes influencés par la théorisation de la pédocriminalité au sein du mouvement, ils nous resservent les mêmes arguments avancés lors de leur campagne « NoPedo » en tirant - encore - à boulets rouges sur l’Eglise Catholique.

A vrai dire, lors de ce live sur YouTube, ils ne sont pas originaux voire carrément barbants.

S'ils restent très critiques, l’un des participants conclue au bout d' 1h18' sur les rencontres présumées de Vorilhon avec les aliens :

« Après avoir vu cette série (…) une grande minorité aujourd’hui se pose cette question, et si c’était vrai… »

Ben voyons ! La messe est dite et la dissonance cognitive bien réduite au passage...

Et le coup pub reste permanent.

Du déjà vu ou presque…

Alors je repose la question, quelle est la fascination qui motive une plateforme comme Netflix à lancer une telle série ?

Si la plateforme est à l’initiative du projet…

Alors vous me rétorquerez :

"Mais que fais-tu de la série sur Osho, Wild Wild Country (2018) ou celle sur Bikram Choudhury: "BIKRAM: YOGI, GURU, PREDATOR" (2019) ?"

Justement, c’est là où le bât blesse.

(D’ailleurs, pour l'anecdote, Georges Fenech remarque la ressemblance entre Raël et Osho – Bhagwam dans l’épisode 4 à 22’50’’)

Cette série sur ce pseudo-prophète égratigne mais ne rentre pas assez dans le « dur » comme les séries précédemment citées.

Car oui, le ton est magnanime voire limite complaisant (surtout dans le 1er épisode).

Autres trous dans la raquette

Le témoignage de Christophe Dechavanne était-il nécessaire ? La fameuse archive de « Ciel mon mardi » d’octobre 1991 ne suffisait-elle pas ?

N’aurait-il pas été plus intéressant de revenir sur Jean Parraga, l’homme qui interpelle Vorilhon ?

Sur ce point, je partage les mêmes interrogations qu’Arnaud Palisson dans son article paru sur le site web « Rapports-Minoritaires » le 21/02/2024, je cite :

« L’intervention de Jean Parraga – très écourtée et isolée – pourrait ne pas convaincre le téléspectateur car, au final, c’est la parole d’un homme (Raël) contre celle d’un autre (Parraga) (…)

« Jean Parraga – sur qui il y avait pourtant beaucoup de choses à dire – notamment le fait qu’il finançait son association anti-Raël en se livrant au proxénétisme. Mais peut-être de telles déclarations ont-elles été coupées au montage. »

Des propos qui valurent à Parraga une poursuite en diffamation.

La cour d’appel de Versailles de concluait le 3 mai 1996 :

« Qu’il convient, en conséquence, de retenir la bonne foi de Jean PARRAGA, justifiant les paroles qu’il a prononcées ; »

Source : https://www.zelohim.org/Z/Zelohim44.htm

Sans oublier le cas Gilles Carbonell, ancien « évêque » raëlien et président de l’Association raélienne d’Ile-de-France, qui vient à la rescousse de son « maître » sur le plateau de « Ciel mon mardi » ce soir de 1991.

Un fervent lieutenant dont l’un des tours de force fut de débusquer en 1995 une taupe dans les rangs raëliens. Cette taupe, c’était Bernard Vaillot, directeur de l’agence Galaxie Presse, grillé en trimbalant un sac à dos avec une caméra embarquée.

Selon Libération, Carbonell est alerté par «une fuite extérieure » avant d’alerter la gendarmerie.

Le même Gilles Carbonell poursuivit et recherché par la police pour agressions sexuelles sur mineures de 15 ans. Plainte déposée par l’une des filles de… Brigitte Boisselier.

Pourquoi Carbonell n’est pas mentionné ?

Brigitte Boisselier a-t-elle été interrogée sur cette affaire durant le tournage ?

Aucune trace dans la série en tout cas.

La même Brigitte Boisselier qui arbore en conférence de presse, un collier signe de son appartenance à l’ordre des anges ? (Ep.03 à 7’10’’)

Cet ordre composé début 2000 d'adeptes féminines (sorte d'harem d'esclaves sexuelles pour le gourou) est divisé en 2 catégories :

Plumes blanches : relations sexuelles avec les Elohims & Raël & à l’extérieur.
Plumes roses : relations sexuelles exclusivement avec les Elohims & Raël

Boisselier porte un collier de plumes blanches.

Conférence de presse avec des raëliennes en guise de mères porteuses.

Autre absent, l'affaire Clitoraid, du même acabit que Clonaid, dont le but revendiqué est de "restaurer leur dignité aux victimes des mutilations génitales féminine".

Le 19 juin 2007, le journal Le Parisien donnait la parole au docteur Pierre Foldès, urologue français dont le nom fut cité à plusieurs reprises par les sbires raëliens. L'intéressé ne laisse pas passer:

"Pierre Foldès, un médecin urologue français qui a mis au point, au fil de son engagement humanitaire en Afrique, une véritable technique chirurgicale de reconstruction de cet organe *. « Je refuse de servir de caution !" », insiste ce dernier, qui envisage une action en justice.

«Je ne supporte pas l'idée qu'ils aillent endoctriner des jeunes filles africaines »

Une clinique est ouverte au Burkina Faso à Ouagadougou prête à être inaugurée le 7 mars 2014 malgré les protestations de responsables burkinabés de l'Eglise Catholique

(La Croix, 06/03/2014).

Brigitte Boisselier (encore elle), présidente de Clitoraid, défend cette entreprise en accusant ces responsables burkinabés de mener 'une campagne diffamatoires aux intérêts égoïstes". (The Independant, mars 2014)

Sur 26 ans femmes, 15 sont opérées , au ministère de la Santé Burkinabé on voit les choses d'un mauvais oeil. Dans les colonnes de The Independant en mars 2014:

"An official at the Health Ministry tells me that the opening was cancelled because Clitoraid had not provided essential documents."

"Un responsable du ministère de la Santé m'informe que l'ouverture a été annulée car Clitoraid n'avait pas fourni les documents indispensables."

Résultat: En mai 2014, les autorités burkinabées n'autorisent pas l'ouverture de la clinique. (HuffPost, 08 /05/2014).

En 2019, le mouvement raëlien revendiquait une "2ème mission humanitaire de chirurgie réparatrice du clitoris au Kenya" sur le site raelianews.org.

A aucun moment, ce sujet n'est abordé dans la série.

De la toxicité

Vorilhon n’est pas juste un hurluberlu, c’est bel et bien un homme dangereux comme tous les gourous. Le savoir encore en activité n’a rien de rassurant.

Le témoignage de Brigitte McCann sur son infiltration au sein de la secte en fait la preuve. Accompagnée de sa photographe, elle en a tiré une enquête publiée en 2004.

Vous avez reconnu Brigitte Boisselier en première de couverture.

Brigitte McCann revient sur son malaise avec cette obligation de se dénuder, se toucher le sexe sans oublier l'examen de son propre anus avec un miroir.

Ce processus destiné "à casser" les personnalités.

La journaliste rappelle, images à l'appui dans la minisérie, ce rituel de femmes dénudées et servies comme des offrandes.

Cette phrase définitive de Claude Vorilhon :

« Si vous n’êtes pas heureux, il ne vaut mieux pas exister » (à 25'39'' - épisode 4)

Des personnes en souffrance apprécieront…

Ces propos dégueulasses n’ont - heureusement - pas sauté au montage.

Et que penser de ce regard assassin lancé à son « assistante » lorsqu’elle lui tend une tasse ?

« Ne viens jamais comme ça sans parler ». Terrifiant.

C’est l’un des rares moments d’authenticité qui, pour moi, sauve partiellement cette série. Toutefois, c’est bien maigre.

Non, Claude Vorilhon n’est pas un clown. Ni lui ni ses paires ou concurrents gourous. Il est dangereux. Point.

CONCLUSION

Le mérite de la série ? Claude Vorilhon, c’est finalement le cynisme et la mégalomanie en permanence.

J’irai même jusqu’à dire le foutage de gueule permanent depuis 50 ans.

Mais ça, on le savait déjà…

Il faut attendre le 3e épisode pour que ça commence à décoller.

Il est regrettable de donner autant de place à des propos parfois lunaires (J.P Saulnier par ex.) d’adeptes encore convaincus comme Brigitte Boisselier.

Permettent-ils néanmoins de mesurer le degré d’emprise ? Assurément.

Mais pour les néophytes, cette série nécessite des explications supplémentaires.

Prise telle quelle, elle constitue ce que Télérama a paresseusement titré : "le sombre parcours d’un illuminé.". Le Skippy des Inconnus surgit dans les mémoires, d'autres diront "il est bon ce Raël quand même"... je l'ai entendu dans mon entourage professionnel.

Cependant, elle donne des indices sur les motivations de Brigitte Boisselier dans l’affaire "CLONAID - Bébé présumé cloné" , elle les décrit par bribes, larme à l’œil : on lui retire la garde de sa fille de 8 ans, elle est licenciée parce que raëlienne…

Elle finit sur : « J’avais tout perdu, on ne pouvait plus rien m’enlever ».

(Ep.02 vers 40’00)

Un ou une adepte, même chevronné(e), reste une victime… d’une emprise sectaire, soyons précis.

Sur cette escroquerie, seul Damien Marsic nous en confirme la nature et Vorilhon assume : "cette société fantôme avec boîte postale aux Bahamas". (Ep. 04)

La nature du gourou c'est qu'il ou elle ne cache pas tant que ça. Un gourou teste pour vérifier le degré de solidité de son endoctrinement. Jusqu'où les adeptes sont prêt à aller pour leur "maître".

Claude Vorilhon ne fait pas exception à la règle.

Quant à la survie du mouvement, je partage l‘avis d’ Arnaud Palisson :

« Mais dans le Mouvement raélien, aucun homme fort ne se dégage, à côté de Raël. Celui-ci a beau diriger plus timidement son organisation depuis Okinawa, il est toujours LE boss.»

« À la mort de Vorilhon, l’organisation s’éparpillera en groupuscules aux quatre coins du monde, « façon puzzle. » Par exemple, on sent bien dans le documentaire que l’Ivoirien Yves Boni s’érigera en Raël africain.»

Ajoutons que le mouvement est présent dans 120 pays et compterait environ 100 000 membres. Rien de rassurant donc...

Finalement, pour moi, la meilleure réponse que cette série puisse apporter au sujet de Claude Vorilhon, c’est celle-ci. Un gourou qui nous tire la langue face caméra (à défaut de son anus ?). Symbole infantile de son cynisme crasse.