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ECOLE HORS CONTRAT et DROITE EXTREME... Retour sur "Les Infiltrés" de France 2



Les préoccupations sur les dérives survivalistes (affaire Daillet, notamment…) et le chapitre sur les écoles cathos intégristes dans l’ouvrage « L’école hors de la république » d’Anna Erelle et Jacques Duplessy (Ed. Robert Laffont) m’ont rappelé une émission diffusée il y a 11 ans. Alors je me suis replongé dans mon carton d’archives…


Le programme en question s’intitulait « Les Infiltrés » un magazine d’investigation produit par CAPA proposant des reportages en « caméra cachée ». Ce procédé fut critiqué par le SNJ qui en demanda la suppression pour raisons déontologiques. (Communiqué du SNJ snj.fr du 22 octobre 2008)


Malgré ces réserves, l’émission née en 2008 tint l’antenne jusqu’en 2013 avec David Pujadas puis Marie Drucker à la présentation.



Replongeons-nous dans le contexte…


Le 19 avril 2005, le cardinal Joseph Aloisius Ratzinger (Benoit XVI) devint le 265e pape succédant ainsi à Jean-Paul II.

Dès le mois d’aout de la même année, ce nouveau pape souhaitait une réintégration progressive des traditionalistes depuis concile Vatican II et le schisme de Mgr Lefebvre en 1988 .

Soucieux de garantir l’unité de l’Eglise, la réintégration fut officialisée par une bulle pontificale (motu proprio) signée le 2 juillet 2009.



Le reportage "A l'extrême droite du Père"


Le 27 avril 2010, France 2 diffusait un nouveau numéro de cette émission, intitulé « A L’Extrême Droite du Père », consacré à l’association nationaliste et catholique traditionaliste Dies Irae.

Résultat d’un travail de 5 mois, le reportage montrait les membres de ce groupe bordelais en pleine réfection d’un nouveau local où trône un drapeau des phalanges franquistes, la mise en place d’un parcours du combattant pour entrainer des milices autonomes en mode paramilitaire.

Le but ? Renverser « la démocratie moderne » considérée comme une « ennemie » Comment ? En incitant à des actions locales par la multiplication de groupes d’action dans le pays.

©CAPA/France 2


Le tout accompagné de propos complotistes qui n’ont rien à envier à ceux proférés par la complosphère sur les réseaux sociaux actuels.


Selon le reportage, tout ce petit monde aurait été influencé par divers écrits dont « Les Carnets de Turner » (The Turner Diaries en VO) de William Luther Pierce (1933-2002), néo-nazi américain et suprémaciste blanc.

De quoi parle ce bouquin écrit en 1978 ? De l’organisation de milices autonomes engagée par des suprémacistes blancs dans une guerre raciale qui finit par se répandre au monde entier.

Le livre fut interdit en France par un arrêté du 21 octobre 1999. (Source Légifrance)


Dans la constellation Dies Irae, le reportage nous montrait les liens avec le milieu catholique traditionaliste à Bordeaux représenté par l'Institut du Bon pasteur, l’existence de 3 associations affiliée au groupe (dont « Agir Propre » pour le coté écolo) et une école privée hors contrat : le Cours Saint projet.



« Cours Saint-Projet » - Hors Contrat Traditionaliste.


A Bordeaux, un des journalistes s’infiltra dans cette école privée hors contrat traditionaliste. Dirigée par un abbé, elle comptait 85 élèves au moment du tournage.

A l’époque, le Cours Saint Projet accueillait des enfants de la maternelle au collège depuis sa création en 2005.

Selon le reportage, l’équipe enseignante était constituée de curés et de parents d’élèves n’ayant aucune formation pédagogique.


Examinons quelques extraits de cette séquence :


A 37-38 minutes, le journaliste infiltré et nouvellement employé par l’établissement, surveille la permanence d’un groupe de trois élèves de 5ème. Une petite conversation s’engage avant que l’un d’eux entonne un chant ouvertement antisémite, lorsqu’un autre déclare : « Mon voyage de noces, je le ferai à Auschwitz ». Les propos racistes et haineux vont se succéder dans la bouche de ces pré-ados sous influence.


©CAPA/France 2



A 40 minutes, le fondateur de l’établissement, Thomas Rivière, avocat bordelais, se défend face caméra de tout révisionnisme dans les cours d’Histoire (article de Sud Ouest). Il déclare: « L’un des professeurs d’histoire, c’est mon ancien professeur d’histoire… ».

Il faudrait comprendre : « Je le connais depuis longtemps ! Donc c’est un gage de confiance! Donc un gage de sérieux !»

Autrement dit: Circulez, y’aurait rien à voir !


©CAPA/France 2


Oui mais…

Le reporter infiltré assiste à un cours mené par le fameux prof d’Histoire, bénévole car retraité de l’Education Nationale. Le sujet : « Pétain et l’Occupation » (sic), extraits :


A 42 minutes : Selon lui, l'occupation de la Rhénanie en 1919 justifierait l'occupation de la France en 1940...

©CAPA/France 2


Vers 43 minutes : Pétain est décrit comme « un homme qui a rendu d’énormes services à son pays ». Une vision bien particulière de la collaboration...

©CAPA/France 2

©CAPA/France 2



Quant à DeGaulle, il le qualifie de "déserteur".

©CAPA/France 2


Après une petite apologie sur les SS, ce prof termine son cours sans aborder le rôle du gouvernement de Vichy dans la déportation des juifs.

Interrogé à ce sujet par le journaliste infiltré, l’enseignant ne juge pas utile d’en parler et il l'explique par : « Je crois qu'on en parle assez comme ça… » avant d'ajouter " Alors ne pas en parler, on ne me le reprochera jamais, Mais de dire ce que je pense , oui". Glaçant.


La suite est d’autant plus glaçante lorsque le journaliste constate l’adhésion des élèves (« Pétain n’a pas collaboré… » déclare l’un d’eux) suivi rapidement par des propos antisémites et racistes. Sidérant.


Lors du débat en plateau, (à 1h10 de programme), André Mercier, inspecteur académique de la Gironde, est interrogé par David Pujadas sur la possibilité d'un contrôle.

©CAPA/France 2

Il déclare que :

- L’établissement a fait l’objet d’un contrôle de l’Académie.

- Des anomalies ont été constatées notamment sur les cours d’histoire.

- L’école pourrait être fermée si elle ne se met pas en conformité.



Les cathos traditionalistes se rebiffent


Le fondateur de l’école proteste dans les colonnes de Sud-Ouest sur les méthodes de l’émission et porte plainte pour diffamation.

Le journal Minute lui emboite le pas en attaquant le journaliste infiltré (JDD du 23/04/2010) en dévoilant sa photo en Une sous le titre : « C’est la taupe de Pujadas chez les cathos ».

Idem avec l’abbé Philippe Laguérie de l’Institut du Bon Pasteur (catholiques traditionalistes) et ancien responsable de la Fraternité Saint-Pie-X à Saint-Nicolas-du-Chardonnet à Paris, qui porte plainte lui aussi pour diffamation.

Mais les traditionalistes perdent leur procès contre l’équipe des Infiltrés en octobre 2014.

Quant à l’abbé Philippe Laguérie, il est débouté par la cour d’appel de Paris le 10 septembre 2015.


En 2010, le Cours Saint Projet à Bordeaux ferme ses classes de collège suite à deux inspections menées le 26 mars et le 7 mai. Les quatre inspecteurs, qui se sont succédé, ont constaté une «quasi absence d’enseignement des sciences » et aucune place à l’esprit critique concernant l’histoire « passée au travers d’un prisme religieux ». (source: 20 minutes du 04-06-2010).


Plus anecdotique, en 2017, l’ancien directeur pédagogique de l’établissement est visé par une enquête pour « soupçons de maltraitance d’élèves et d’agressions sexuelles » à l’Angélus, une école privée catholique hors contrat du Cher. (source : Sud-Ouest du 08-06-2017)

Fin juin, il est mis en examen pour « violences » sur des élèves dont la privation de nourriture et coups infligés par le directeur, les charges d'agressions sexuelles étant abandonnées. (source : L’Express du 30-06-2017)

Aujourd’hui, le Cours Saint Projet existe toujours avec des classes allant de la maternelle aux cours moyens. (source : https://www.cours-saint-projet.org/#)



Maintenir les inspections académiques dans ces établissements


Si l’ouverture des établissements privés hors contrat est soumise à une déclaration au recteur de l’académie (déclaration transmise au maire de la commune, au préfet et au procureur de la république) leur contrôle est nécessaire.


Les dérives furent réelles par le passé dans certaines écoles aux pédagogies dites « alternatives ».

Il suffit de se souvenir de cas anciens (l’Ecole de l’Eveil et l’institut Aubert; deux établissements scolaires liés à la Scientologie, L’École en bateau, l’Institut Pédagogique des Entrepreneurs Stratèges de Fay Chemli…) ou actuels (écoles Steiner Waldorf).

La liste n’est pas exhaustive.

Pour rappel, ces établissements hors contrat sont inspectés dès la 1ère année de leur fonctionnement.

Le ministère de l’Education Nationale mentionne que : « d’autres contrôles peuvent être organisés par la suite, de manière inopinée ou non » notamment sur la qualification des enseignants et sur la qualité de l’enseignement conforme au socle commun de compétence (apprentissage des langues, outils pour apprendre, apprentissage des sciences…)



Ces contrôles ne sont pas une sanction mais capitaux afin de garantir la protection des élèves afin d’éviter tout type de dérive et de manipulation.




Sources:


Les Infiltrés - "A l'extrême droite du Père" - CAPA/France 2 (diff: 27/04/2010)
















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